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Le papier et l’impression éco-responsable

Le papier et l’impression, ou plus généralement l’industrie de l’édition, constituent un terrain particulièrement fertile au développement de pratiques plus responsables. Pour l’épisode 5 de la saison 2 de Cogiter, Céline a eu le plaisir d’échanger avec Camille Poulain, co-fondatrice d’Atelier Lichen, et experte en print et édition éco-responsable.

Un épisode qui promet d’être instructif pour vous aider à bien choisir votre papier, votre imprimeur et votre type d’impression, ainsi que pour débunker toutes les idées reçues de l’industrie éditoriale (labels, encres végétales, papiers ensemencés…) ! Un pas supplémentaire dans votre communication éco-responsable ?

1. Les labels éco-responsables, comment s’y retrouver ?

Nous en entendons beaucoup parler, il en existe beaucoup et il est bien difficile de s’y retrouver. Ça tombe bien, Camille liste justement les 14 principaux labels dans son livre blanc, à retrouver juste ici !

Les labels les plus répandus – 1er débunkage

Les PEFC et FSC :

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il s’agit de labels de gestion forestière. Ces deux labels vont certifier que le papier n’est pas issu de la déforestation, mais ils ne certifient pas qu’il est fabriqué écologiquement derrière. Le label FSC notamment n’a donc pas vraiment de valeur à lui seul pour garantir l’éco-responsabilité du papier. Dans l’idéal, il est préférable de le doubler avec l’un des labels ci-dessous.

Les labels spécifiques

  • Le Cradle-to-cradle,
  • Le Blue Angel (certainement l’un des plus exigeant),
  • Le Nordic Swan (davantage répandu dans les pays nordiques),
  • L’Ecolabel Européen.

Ces 4 labels sont les plus transversaux. Ils peuvent notamment certifier l’encre, les imprimeries, les machines, et parfois des papeteries entières ! Leurs exigences sont donc spécifiques à la fabrication et aux produits, mais aussi à l’engagement social et à la fin de vie du papier. Ils sont donc idéals dans une démarche durable.

Le label Imprim Vert – 2ème débunkage

Spécifique aux imprimeries, il est très répandu pourtant nous nous méprenons souvent sur sa signification. Il garantit seulement la gestion des déchets dangereux et le stockage sécurisé des produits dangereux, la conformité de leur élimination et la non-utilisation de produits toxiques.

Les labels RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises)

  • L’ISO 14 001
  • Le Print éthique : il s’agit de l’adaptation de l’ISO 26 000 au secteur de l’industrie graphique.

Ces 2 labels viennent garantir la manière dont les entreprises s’insèrent dans le tissu social, économique et environnemental. Ils ne vont donc pas avoir de critères spécifiques concernant la production du papier ou les techniques d’impression.

2. Les techniques d’impression sur papier

Au-delà des labels, rien ne vaut une discussion avec son imprimeur avant d’imprimer ses supports, voire même le fabricant de papier quand cela est possible. C’est le meilleur moyen de savoir ce que signifie l’impression éco-responsable pour eux, où ils en sont, leurs connaissances au niveau des techniques d’impression, car ce sont ces dernières qui vont influer sur le recyclage.

Par exemple, beaucoup d’impressions se font aujourd’hui à l’UV (Ultra Violet) car le séchage est instantané. Le problème avec cette technique, c’est que le papier ne se désencre globalement pas. Au moment du recyclage, on ne peut donc pas le récupérer blanc et il sera finalement recyclé en papier toilette ou en carton. L’UV reste donc en partie écologique car il consomme moins (de gaz et d’électricité) qu’une sécheuse LED.

3. Les pratiques à bannir pour le recyclage et limiter les pertes de papier

  • Le pelliculage
    Si le papier est destiné à avoir une vie longue, le pelliculage peut se réfléchir, mais il est toujours mieux d’essayer de l’éviter pour le recyclage. Une face pelliculée va compliquer le recyclage et deux faces pelliculées vont l’empêcher totalement. Préférez le vernis, bien que cela reste un produit chimique.
  • La colle thermofusible – hot melt en anglais :
    Cette colle chaude utilisée en imprimerie pour les reliures fondent et s’incrustent dans le papier, ne pouvant ainsi plus être recyclé.
  • L’utilisation de formats non-standards
    Les formats orignaux, ronds par exemple, créent des chutes de papier à la découpe et donc des déchets. L’idéal est de suivre au maximum les formats standards (A4, A5…) pour vos supports. Certains imprimeurs utilisent des laizes (rouleaux) de papier. Elles permettent une plus grande liberté de formats sans pour autant avoir de la perte de papier.

4. Que signifient vraiment les encres végétales ? – 3ème débunkage

Il existe deux grands types d’encres : les minérales (issues du pétroles) et les végétales (issues de l’agriculture). En France, voire même en Europe, il n’y a plus énormément d’encres minérales pour de l’impression feuille à feuille offset. Tout se fait maintenant sur une base végétale.

Les encres végétales sont donc la base, ce n’est pas nécessairement un choix montrant un quelconque engagement écologique. De plus, les produits chimiques (pigments, agents de séchage, siccatifs…) restent les mêmes que pour les minérales. Ce n’est donc pas parce qu’une encre est végétale qu’on peut la jeter dans l’environnement, elle reste chimique !

Il existe des encres 100% naturelles et biodégradables mais pas à un niveau industriel. On les retrouve dans de petites imprimeries pour des commandes spécifiques.

5. Les papiers ensemencés et à base de résidus de fruits, est-ce vraiment éco-responsable ? – 4ème débunkage

Sur ce point, Camille reste mitigée. La fabrication et la traçabilité de ces papiers ayant le vent en poupe reste opaque. Nous pouvons avoir l’impression que ces alternatives sont naturelles voire locales alors que la plupart sont importés du Canada ou des États-Unis. Concernant les graines c’est encore pire, surtout lorsque nous savons que l’essentiel est la propriété de Monsanto, entreprise que tout le monde n’a pas envie de financer…

Le papier et l’impression éco-responsable

Un point important pouvant poser problème autour des papiers ensemencés et à base de résidus de fruits est la communication. Cette dernière, très poussée sur l’engagement, nous donne l’impression de “sauver la planète” en les utilisant… Alors que non ! Nous sommes sur un discours proche du greenwashing. Plutôt que communiquer sur le fait qu’il n’y a pas d’impact (ce qui est faux), il serait plus judicieux d’évoquer que ces papiers permettent de le réduire.

Concernant les papiers à base de résidus de fruits, une attention particulière peut être portée sur la provenance des résidus. S’ils proviennent de ressources alimentaires, et évitent ainsi du gaspillage, c’est l’idéal. En revanche, s’ils remplacent des ressources qui pourraient être alimentaires ou des terrains cultivables, c’est tout de suite moins écologique ou éthique.

Globalement, il faut surtout être vigilant(e) à l’encre que nous appliquons sur ce type de papiers biodégradables. Si l’encre ne l’est pas également, nous perdons le sens premier et elle restera dans l’environnement.

6. Le choix de l’imprimerie et du papier

Lorsqu’on sait que 80% de l’impact de l’imprimé provient du papier, ce dernier devient alors la pierre angulaire de toute impression. La qualité du papier joue notamment un rôle important. S’il est déjà de qualité, il n’aura par exemple pas besoin d’une couche de pelliculage ou de vernis polluant pour le rendre davantage résistant et durable.

Du côté de l’imprimeur, privilégier le local reste toujours mieux pour minimiser l’empreinte carbone liée aux transports. De même, il est tout à fait possible de spécifier lors du devis que nous souhaitons que les produits livrés ne soient pas filmés à l’intérieur du carton afin de réduire les déchets plastiques.

7. Le numérique est-il vraiment préférable au papier ? – 5ème débunkage

Difficile de se rendre compte car le numérique n’est pas quelque chose de palpable contrairement au papier, mais il reste très polluant. Depuis que nous nous intéressons à l’empreinte environnementale du numérique, nous constatons que le papier regagne peu à peu en popularité.

Une étude ACV (Analyse de Cycle de Vie) numérique versus papier, sur un certains nombres de types de communication, a démontré que dans 80% des cas le papier avait une empreinte moindre que le numérique pour une même campagne (source à retrouver ici).

De façon générale, tout reste une question de sobriété, que ce soit pour le numérique ou le papier. Il ne s’agit pas de choisir radicalement entre l’un et l’autre mais plutôt de se poser les bonnes questions à chaque support créé :

  • Quelle est la durée de vie de mon support ?
  • Combien de personnes vont manipuler mon support ?
  • Vais-je devoir apporter des modifications à mon support ?
  • Mon support doit-il être consultable partout ?

8. Qu’est-ce que les industries à grande échelle mettent en place pour réduire leur impact environnemental ?

Les industries s’appuient aujourd’hui beaucoup sur le recyclage pour clamer leur démarche éco-responsable. Ces propos sont à nuancer pour plusieurs raisons :

  • Un papier ne se recycle que 5 fois maximum. À chaque fois les fibres du papier d’origine vont s’abimer et nécessiter l’ajout de fibres de papier vierge pour retrouver la consistance/couleur souhaitée.
  • Les productions de papiers 100% recyclés n’existent pas contrairement à ce que laissent entendre certains discours. Pour faire du papier recyclé, il faut obligatoirement du papier vierge. Il est donc nécéssaire de produire en parallèle du papier vierge.
  • En France il n’y a quasiment plus d’usine de recyclage du papier (la dernière est sur la sellette depuis plusieurs mois), ce qui implique que la collecte se fait en france mais que le recyclage lui se fait à l’étranger (notamment en Espagne, Allemagne, Autriche…), des pays dont l’énergie n’est pas forcément propre. Un exemple assez aberrant vient tout droit de la dernière campagne présidentielle. Les prospectus envoyés contenant les programmes des différents candidats ont été imprimés sur du papier recyclé. Afin de s’en procurer en évitant les pénuries et grèves actuelles, le papier a été importé… d’Indonésie ! Nous pouvons nous demander si ça valait vraiment le coup d’aller le chercher aussi loin.

Le recyclage n’est donc pas la solution à tout et ne devrait pas être une excuse derrière laquelle nous nous cachons ou pire, un prétexte pour sur-produire. Dans l’édition, par année, ce sont 15% de la production de livres qui partent au pilon sans jamais avoir été vendus ou même en librairie. Cela représente environ 26 000 tonnes de livres produits et presque aussitôt détruits. Nous constatons donc une certaine part de sur-production.

Pour être vraiment responsable, la première chose qu’il faut réussir à mettre en place c’est la réduction. Il y a aussi une nécessité de revoir le modèle économique qui n’est plus adapté aux problématiques actuelles. Lorsqu’on sait qu’il y a une réduction des coûts en fonction de la quantité (plus nous imprimons d’exemplaires, moins son coût à l’unité est élevé) cela ne pousse pas à faire des économies d’échelle.

9. Les tips à garder en tête pour une impression éco-responsable

  • Bien analyser ses besoins pour savoir quels formats, tirages et types de graphisme seront les plus adaptés et éco-responsables. Pour ça, il peut aussi être intéressant de “partir à l’envers”, c’es- à-dire de la destruction du produit jusqu’à sa création.
  • Échanger avec son imprimeur pour composer avec lui avant l’impression, voire même avant la conception graphique. Engagements, réduction du coût environnemental, demandes spécifiques de papiers ou de réduction de l’emballage à l’envoi… N’hésitez pas !
  • Privilégier une imprimerie locale !
  • Bien faire attention au papier, à sa provenance, sa production, son recyclage… Pour aller plus loin il est possible de demander en amont à son imprimeur les paper profil, qui sont les déclarations environnementales du papier avec le détail de ses émissions en CO2, sa consommation électrique, sa composition chimique, etc…
  • Avoir une attention particulière sur le graphisme pour faire en sorte de réduire la consommation d’encre qui, comme nous l’avons vu, reste chimique bien que possédant une base végétale.
  • Éviter les gros tirages rotatifs ou favoriser les imprimeries utilisant les encres blanches pour ce type de tirages. Les encres ink-set globalement utilisées à cet effet, sont davantage chimiques.


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✒️ Cet article a été écrit par Cynthia, en s’appuyant sur les propos de Camille.

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